Autant qu'il m'est possible, je conserve mes animaux à vie. D'où l'obligation d'une reproduction calculée afin de limiter les séparations et de tendre vers un équilibre entre les naissances et les pertes suite aux accidents, à la maladie ou à l'âge.
Cela surprend parfois certains éleveurs, mais je suis attaché à mes Ouessant.
C'est aussi l'assurance pour moi de pouvoir veiller sur eux jusqu'à la fin, pouvant m'assurer ainsi de leurs bonnes conditions de vie, rien n'étant assuré quant à l'avenir d'un animal quand on s'en sépare.
Je ne cours pas non plus derrière un hypothétique idéal jamais atteint, n'étant pas dans une insatisfaction permanente, mais sachant apprécier mes moutons comme ils sont et pour ce qu'est ce type ovin primitif issu de siècles d'élevage de forme vivrière (et non de rente ni de ring).
Mais derrière cette approche pas toujours comprise, se cache également une raison fondée sur la réflexion de la sélection dans l'intérêt du Ouessant de type ancien.
En effet, conserver un animal à vie est le meilleur moyen de le connaître, sous l'angle de son bagage génétique potentiel concernant les diverses aptitudes à attendre en ce type ovin primitif.
Conserver un Ouessant à vie permet d'en connaître ses points forts ou faibles:
comme son âge de déclin (lié le plus souvent à la perte des incisives), sa longévité finale, pour une brebis ses aptitudes à allaiter ou/et d'agneler sur l'ensemble de sa vie de reproductrice, la manifestation de soucis de santé chroniques ....
Suivre l'évolution du mouton sur toute sa vie permet de faire des constats, d'émettre hypothèses, de tirer des conclusions sur l'individu, la lignée ou la souche dont il est issu, de forger des espoirs ou des craintes à vérifier sur sa descendance, d'orienter les accouplements, ... plus largement de gérer, construire son troupeau dans le sens de la conservation des caractéristiques du Ouessant ancien (morphologie et aptitudes confondues, dont l'importante rusticité).
Voilà tout un ensemble de connaissances qu'on ne peut pas engranger si on perd de vue rapidement ses animaux.
...la plus belle satisfaction qu'on puisse avoir en menant jusqu'à son dernier instant l'animal qu'on s'est amusé à faire naître.
C'est aussi la plus belle "leçon de chose" qui puisse se dérouler sous le regard attentif, leçon pour l'éleveur, leçon pour sa connaissance du Ouessant et son élevage.
Ces leçons ne nécessitent pas années mais décennies, si ce n'est toute une vie d'éleveur, pour connaître tous les secrets de l'élevage et ceux de ses pensionnaires laineux.
Curieux que je suis, je me souhaite donc encore pas mal de décennies....