Il est des moments comme ça... de grande solitude.
La queue à la caisse du magasin de bricolage par ce bel après-midi d'été semble vouloir s'éterniser. Chacun patiente, les regards se dispersant de ci de là pour tuer le temps. Arrive enfin le tour du couple qui me précède... et qui s'empresse alors de déposer ses articles sur le tapis roulant.
"Aaahhh!!!" Cri d'horreur de la caissière venant de découvrir dans les achats une bombe de (prétendu) répulsif contre les serpents. "Vous avez des serpen-en-ents?"
Et voilà le guerrier mari exposant les faits appuyés en écho par la femme du guerrier...
Le serpent se hissant dans la glycine en façade de maison. La fenêtre de l'étage ouverte. La panique qui s'en suivit. La bombe insecticide vidée dans la pièce jusque sous le lit (Ben oui! Si ça tue les sales bêtes à six pattes, ça doit bien agir sur les sales bêtes sans pattes!). Le désespoir de ne pas avoir retrouvé le monstre rampant. La décision d'employer les grands moyens. L'achat du produit miracle anti-dragon et autre truc à écailles pas fait comme nous...
Ce devait être inscrit dans mon destin. Le regard du "chef de famille" dans sa quête de soutien moral ou d'admiration finit par tomber sur le mien qui ne faisait que consciencieusement observer et analyser la scène. J'eus droit à la description de l'alien avec son collier blanc. Tentative de ma part à vouloir apporter identification et rassurer en expliquant qu'il devait s'agir d'une inoffensive très commune couleuvre justement dite "à collier" ou encore d'une jeune couleuvre d'Esculape aux mœurs précisément arboricoles et assez présente sur le secteur.
Mes propos dénotant dans ce climat de panique générale, le regard de l'homme me prenant pour un doux illuminé se détourna du mien, et le matériel de guerre fut jeté dans le sac au fond du chariot.
Le couple équipé pour le combat s'apprêtant à partir, c'est alors qu'un retentissant "Vous avez essayé le lait?" hurlé par la caissière fut suivi d'un " Si c'est une vipère, elle devrait aimer le lait" qui finit par m'anéantir totalement.
Un tel concentré de bêtise humaine (ignorance dont on ne veut souvent pas sortir quoi qu'une personne avertie vous apporte) concernant la nature et la faune en particulier, c'est malheureusement bien courant, mais cet instant surréaliste subi me le rappela douloureusement une fois de plus.
Cette dernière anecdote ne peut mieux introduire mon incitation à faire lire l'ouvrage qui suit à tous ceux qui souhaitent ne pas mourir idiots (s'ils l'étaient) en ce domaine et en attendant ne plus être complices du "n'importe quoi " colporté sur le dos de la faune et le peu de nature qui nous environne.
Pour tordre le coup à l'ignorance en ce domaine, un livre de Jean François Noblet, "La nature au café du commerce"
(A propos de l'anecdote: les serpents ne boivent pas de lait, pas plus les vipères que les couleuvres. Cette croyance tient peut-être au fait que l'animal capturé peut évacuer ses excréments composés d'une partie blanchâtre (urée) ou encore que la couleuvre peut s'approcher des fumiers (et donc des étables) pour y déposer ses œufs. Cependant, le mythe de la couleuvre qui tète les vaches se rencontre également hors monde rural, comme cette directrice de lycée qui le clamait haut et fort pour me convaincre ou du moins s'opposer à ce que je tentais de lui démontrer.... Comme quoi le niveau social n'est pas une protection au manque d'instruction, au moins en ce domaine....)