On a vite fait de perdre un Ouessant (de type ancien).
La douteuse formule choc de "tondeuse écologique" qui lui est souvent attribuée, largement reprise à toute occasion pour faire promotion de ce type ovin, en particulier lors de ventes, ou encore l'accent mis sur sa grande rusticité, ont tendance à faire croire qu'il suffit d'un peu d'herbe à ce mouton pour lui assurer longue et heureuse vie.
Malheureusement, si la nécessité d'une surface d'herbe est à la base de tout élevage ou de toute simple détention de l'animal, les choses sont plus complexes.
Le bonheur dans le pré risque de ne durer qu'un temps si on n'a pas à l'esprit l'ensemble des contraintes qui attendent l'éleveur pour garantir le bon état général de sa troupe.
Herbe à volonté n'est pas tout à fait la même chose que végétation à volonté. Il existe des plantes que l'ovin ne consomme pas et qui année après année n'en prospèrent que mieux, occupant une surface toujours plus grande et réduisant peu à peu les ressources alimentaires. De plus, toutes les variétés consommables n'ont pas le même intérêt en terme d'apport énergétique et autres besoins.
Pour remédier à cela, bien qu'il puisse sembler inutile, un bon foin en permanence à l'abri saura être trouvé par l'animal nécessiteux à tout moment de l'année pour une raison ou une autre: équilibrer le rapport matière sèche et matière humide pour le système digestif, compenser un appauvrissement de l'herbe en qualité et quantité, remédier à un problème de diarrhées, ...
J'ai dit abri. Oui. Rustique, le Ouessant de type ancien apprécie néanmoins de pouvoir s'abriter de la neige, la pluie et le vent, se coucher sur un sol sec et/ou isolant du froid. Certes les ancêtres de cet ovin prisonniers sur leur île durant des siècles n'avaient pas tout cela à leur disposition, mais il faut bien concevoir que seuls les plus résistants survivaient, des centaines mourant durant l'hiver malgré leur liberté de mouvement relative. Sélection naturelle au sein d'une population, ce qui n'est guère envisageable à présent dans nos petits élevages clos, autant d'un point de vue pratique qu'éthique puisqu'il nous est facile de faire qu'il en soit autrement.
Complémenter en hiver l'alimentation avec céréales ou granulés semble incontournable, au risque de perdre des animaux jusque tard en saison sans cette attention. Pratique à s'imposer également face à des jeunes animaux en difficulté même en été, tout comme pour des brebis allaitantes amaigries, des moutons âgés ou tout mouton en détresse physiologique.
Un oubli fréquent, le seau de minéraux et vitamines (pour ovins). Tout au long de l'année, chaque mouton doit pouvoir y puiser au quotidien selon ses besoins. L'absence de cette ressource crée carences, puis complications diverses ( agnelage, croissance, troubles, longévité, ...)
L'eau propre doit également être accessible en permanence. On pense en particulier
durant l'été ou l'hiver par temps de gel, mais elle est également indispensable en période de pluie avec herbe grasse, car le mouton en petite forme et déshydraté de par un souci qui nous a échappé est bien heureux de s'abreuver alors (ce qui doit d'ailleurs peut-être nous alerter).
Les parasites (on en reparlera), externes comme internes, ils sont légion à s'intéresser au mouton... et donc au Ouessant de type ancien (vous savez cette "tondeuse écologique", ce mouton rustique!).
Traiter, vermifuger, oui, mais encore savoir si c'est à titre préventif ou curatif, en l'effectuant au bon moment, à la bonne dose et avec le bon produit selon le type d'hôte indésirable.
Vous faîtes tout cela (tout comme la tonte et la coupe des onglons) et pourtant votre animal est maigre, dépérit, ou encore est mort subitement ou en quelques jours alors qu'il était bien gras.
Facultatifs, les vaccins effectués en amont peuvent limiter les pertes pour des problèmes spécifiques.
Songez que certains maux sont plus spécifiques aux agneaux, d'autres aux mères gestantes ou venant d'agneler, et enfin certains aux animaux plus âgés.
Songez au chocs alimentaires et aux intoxications.
Vous ne voyez aucune explication à votre souci?
Reste l'avis du vétérinaire, celui de campagne habitué au quotidien aux animaux de la ferme et en particulier aux ovins.
Il aura la réponse si les symptômes correspondent à ceux qu'il a déjà rencontrés , sinon des analyses peuvent être nécessaires sur le malade ou le cadavre qui peut même être autopsié si vous observez un problème récurrent dans votre élevage ou si vous êtes curieux. Dans l'incertitude, parfois inavouée, le praticien peut envisager des traitements multiples et onéreux à titre d'essai, tout autant que pour tenter de ne pas se montrer impuissant. S'il est honnête, il exprimera le problème pour votre porte-monnaie avant d'envisager la chose. Maintenant, certains soucis dépassent le cadre ordinaire; ils sont de ceux pour lesquels on ne s'attarde pas forcément habituellement pour un ovin.
Face à l'inexpliqué dans la maladie, il faut donc avec son vétérinaire considérer tous les paramètres pour prendre la décision qui nous semblera la meilleure.
Ne pas oublier de considérer l'âge de l'animal. Après six ans, le déclin est perceptible et l'usure des dents est un souci auquel on ne pense pas forcément. Il peut alors rester seulement quelques années à vivre à votre mouton, tout comme le double pour les plus chanceux.
Nous sommes tous confrontés un jour ou l'autre au dépérissement d'un Ouessant.
La laine cache la misère. Il faut y penser et régulièrement (chaque mois) capturer chacun afin de les examiner, en particulier pour vérifier leur masse musculaire au niveau du rein et en les portant. Sans connaître son poids, l'animal léger, sans masse ni tonus musculaire se repère vite.
Plus on possède de moutons, plus les soucis sont nombreux; c'est mathématique. Et plus la troupe vieillit plus il faut s'y attendre. Je parle des Ouessant de type ancien qui ont le temps de vieillir car ne passant pas à la casserole.
Avec une petite centaine de moutons au plus fort du troupeau, rares sont les semaines où il n'y a pas un petit ou gros "bobo" à gérer.
Il y a les classiques vite résolus. Les insolites mais pas graves. Les importants réparables. Ceux qu'on voit venir assez tôt. Ceux qu'on découvre trop tard.
Et puis de temps, celui qui demeurera inexpliqué.
Tout cela malgré tous ces bons conseils que j'applique évidemment à ma troupe.
"Tondeuse écologique"? Rustique! Le Ouessant de type ancien, c'est déjà du vivant et il y a d'abord tout un tas de contraintes à considérer pour qu'il le reste... vivant.