Pour "nous" le mouton dit d'Ouessant (île bretonne) est ce (plus ou moins) petit mouton, le plus souvent noir, qui peuplait encore cette l'île à la charnière des 19ème et 20ème siècles, avant que pour des raisons socio-économiques les habitants ne lui préfèrent des races plus grandes et plus lourdes, le plus souvent blanches, importées du continent. Les temps changent....
Ainsi les véritables moutons d'Ouessant, puisque peuplant actuellement l'île, se présentent à présent en un groupe ovin fruit de divers métissages effectués sur la population ancienne durant le siècle dernier. Cette nouvelle population qui porte en elle partie de ses ancêtres insulaires mais aussi une belle part du patrimoine de ses ancêtres plus récents et continentaux va poursuivre son évolution et doit même déjà tendre à former une entité à part entière.
Je ne sais pas si maintenant certains regards se sont portés sur ce cheptel pour en définir les caractéristiques et les spécificités à divers niveaux. Les types nouveaux intéressent souvent moins que les anciens du fait que ancien rime (à juste titre) avec perdu ou pouvant l'être, alors que le présent ou nouveau, faute d'urgence ou victime d'un jugement critique défavorable semble faire naître le désintérêt si aucun aspect de rente ou d'exploitation ne naît. Et puis ce qui est nouveau semble ne pas avoir de légitimité.
Etrange! On voit à quel point le cheminement psychologique des humains peut déterminer l'avenir d'un animal domestique en dehors des raisons économiques au sens large. Comme si les choses devaient rester figées pour l'éternité. Comme si le mouton d'Ouessant aurait dû demeurer petit mouton noir sur cette île, alors que l'ovin n'y a pas toujours été très petit, ni même noir assurément, sur les siècles et millénaires en l'histoire des lieux.
Ainsi, comme s'il devait toujours être "d' Ouessant", nous continuons à nommer Mouton d'Ouessant le petit mouton qui nous intéresse alors qu'il a disparu de cette île depuis près d'un siècle et que ce type doit sa renaissance à diverses souches continentales de longue date et non directement insulaires.
La rigueur permettant de préciser les choses et d'éviter les confusions, j'essaie le plus souvent possible de parler de mouton d'Ouessant de type ancien, y ajoutant même "de forme continentale", afin de différencier ce petit ovin (continental donc) du véritable, lui, mouton d'Ouessant, de grande taille, qui peuple actuellement l'île d'Ouessant.
Langage rigoureux et vocabulaire rigoureux ne peuvent que permettre de construire des représentations mentales précises et exactes. On voit la confusion qui s'est installée avec l'emploi des termes "brun" ou "noisette" indifféremment, pour désigner couleur de toison,... tout autant dans l'esprit de l'éleveur anonyme que dans celui de personnes du milieu de l'élevage.
Le mouton faussement dit d'Ouessant ne devrait-il pas devenir simplement Ouessant (ou Ouessantin) à l'image de bien d'autres races qui ont quitté leur berceau d'origine pour essaimer aux quatre coins du monde.
Ainsi on dit bien Limousine, Solognot, Vendéen,.... quel que soit le lieu où on les rencontre, sans qu'ils ne soient plus forcément inféodés à leur région d'origine.
Mouton d'Ouessant? Ouessant? Ouessantin?.... peut-être même serait-il utile de toujours préciser comme je le fais "de type ancien"!
Beaucoup de blabla pour pas grand chose diront certains.
Pourtant cela aurait peut-être le mérite ....
De ne pas laisser croire que le Ouessant fut sauvé à partir d' animaux retrouvés sur cette île.
D'éviter de faire penser que ce type ovin est toujours le type actuel présent sur l'île d'Ouessant.
De laisser le nom de moutons d'Ouessant à ceux qui vivent véritablement sur l'île actuellement.
Ou même d'éviter l'ambigüité comme dans cette anecdote...
Je me suis trouvé un jour devant un monsieur et ses moutons. Cet éleveur avait, pour une fois, des animaux dans le standard taille, chose rare contrairement à ce qu'on rencontre le plus souvent.J'appréciai même une de ses brebis plus petite que les autres et lui fis remarquer. C'est alors qu'à ma plus grande surprise, je le vis être gêné et s'excuser en m'expliquant son désespoir du fait qu'il avait lu dans un ouvrage que le mouton d'Ouessant pesait 50/60 kg (je ne sais plus trop) et qu'il était désolé de n'avoir plus belle qualité (sic!). C'était pourtant tout le contraire, mais il ne savait pas qu'il possédait en fait le type ancien maintenant continental et non le type actuel du Mouton d'Ouessant insulaire! Sans doute pensait-il même s'être bien fait roulé lors de son acquisition initiale.
A méditer...
C'est grâce à Georges de FERME, qui utilisant bien à plusieurs reprises le terme "Ouessant" et non "Mouton d'Ouessant" pour présenter l'ovin et mon troupeau dans le dernier numéro de la revue de cette association, que j'ai pensé utile cette réflexion et cet article.
Merci Georges.
Comme quoi on ne construit bien que par la concertation et ce que chacun peut apporter....